« Il n’y a plus de retour en arrière », pour Cure-Pipe, qui a une fois de plus opté pour la langue de Molière avec son nouvel album, J’avais, lancé en pleine Saint-Valentin, comme pour faire écho aux propos. C’est en chantant en français que Thomas Dakin Perron arrive à créer de vraies interactions avec le public, et en proposant une sonorité dite « directe » qu’il parvient à se débarrasser de tout cliché musical. La décision prise avant l’opus précédent, et influencée par l’expérience vécue devant un spectacle de Robert Charlebois à Jonquière, avait donc été la bonne. En français c’est maintenant, et en français ce sera à l’avenir pour celui qui compose toutes les chansons du groupe saguenéen.
C’est la meilleure langue qui soit pour « discuter avec le public » et échapper à des avenues musicales déjà trop souvent visitées au goût de Thomas Dakin Perron. « J’ai l’impression qu’écrire en anglais, ça pousse à vouloir recréer des sonorités, même de petits bouts de phrase qu’on a déjà entendus plusieurs fois, à créer des clichés. »
Dans sa langue maternelle, moins propice à ce genre de piège, croit-il, l’artiste avait une fois de plus le champ libre pour parler de ce qui l’animait réellement, de ces interactions humaines post-pandémie aux nouvelles épreuves qui se sont présentées à lui, entre deux albums.
Le titre de celui lancé mardi, J’avais, ne conjugue d’ailleurs pas le verbe avoir au passé par hasard. Les chansons qui le composent sont empreintes de nostalgie, de beaucoup de souvenirs et d’une certaine « rétrospective » faite par Thomas Dakin Perron.
« L’impression d’avoir grandi un peu, je pense, d’avoir accepté des affaires et d’en avoir laissé tomber d’autres, élabore-t-il. […] Ç’a rapport un peu avec les relations, autant amoureuses qu’amicales, juste de faire attention au monde qu’on aime. Je voulais comme réinventer la Saint-Valentin d’une certaine manière. »
Le son qui avait fait le propre de Cure-Pipe jusqu’ici s’entend encore très bien sûr J’avais, guitares électriques, synthétiseur et grandes envolées instrumentales à l’appui. Thomas Dakin Perron a toutefois l’impression que le groupe a fait un pas de plus vers l’avant, de s’être littéralement « lancé dans l’expression », au sens fort du terme.
« Avant, j’essayais plus de contrôler comment ça allait finir, comment le résultat final allait être. Je voulais qu’il y ait des influences qui transpirent de mon enregistrement. Pour celui-là, j’ai vraiment l’impression d’avoir fait de quoi de direct, d’avoir pris une idée, de ne pas l’avoir trempé dans mes influences, mais de l’avoir mis directement sur l’enregistrement. »
Thomas Dakin Perron se réjouit de pouvoir présenter cet opus sur scène dans les prochaines semaines.
C’est un défi en soi, assure-t-il, que de s’abstenir d’essayer de créer des sons « qui sonnent comme quelque chose », qui rappellent, consciemment ou pas, des chansons déjà écrites par d’autres. Ne pas se contenter donc de retravailler ces mêmes progressions d’accords, utilisées « des milliers de fois », jusqu’à ce qu’elles sonnent comme quelque chose de nouveau.
« C’est une manie que j’ai dans tous les médiums d’art, de vouloir faire de quoi qui n’existait pas il y a une seconde, qui apparaît devant mes yeux. »
— Thomas Dakin Perron
S’il a, comme à l’habitude, enregistré cet album dans son garage de Jonquière-Nord, il en a cette fois confié la finition à d’autres, quelques pistes de percussions étant enregistrées dans les studios de Soluté Records et le mixage étant assuré par Gabriel Renald. Francis Ledoux allait ensuite apporter la touche finale en signant le mastering.
Question de donner vie sur scène à J’avais, des spectacles sont notamment prévus le 24 février avec le groupe Blanc Dehors, au Côté-Cour de Jonquière, ainsi que le 4 mars, au Quai des Brumes de Montréal, avec The Everywheres.
Pour Thomas Dakin Perron, qui a commencé à faire de la musique seul dans son garage, à coup d’essais-erreurs, il y a quelques années, c’est encore un « rêve » de pouvoir amener ses propres compositions devant un public, et de voir celui-ci prendre plaisir à les entendre.
« C’est quand tu commences à ne pas reconnaître les visages dans la foule que tu vois que tu fais quelque chose comme il faut, je pense. […] Y’a des chansons que le monde attend d’entendre, ça commence à être le fun pour ça, les gens les reconnaissent », conclut l’artiste avec enthousiasme.
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